« Je me sens mieux, les consultations m’ont permis de clarifier les choses. Les doutes quant à mon départ sont partis. J’arrive à demander de l’aide, c’est difficile mais je le fais. Ça a commencé par les professionnels et maintenant je le fais avec famille, amis, voisins. J’ai l’impression d’avoir travaillé tous les sujets que je voulais. »
Témoignage d’une consultante qui a investi un suivi hebdomadaire pendant six mois.
Madame U. est orientée par l’assistante sociale qui l’a accompagnée dans ses démarches initiales pour quitter le domicile conjugal. C’est chose faite, Mme U. a un nouveau logement, la séparation est effective. Ce sont les discussions avec cette assistante sociale qui lui ont permis de rendre évidente sa démarche de quitter son mari. Mais ce dernier vient de faire une tentative de suicide, la faisant douter quant à son départ : « Si je ne pars pas, il ne meurt pas, c’est une responsabilité très lourde à prendre ».
Mme U. décrit un couple dans lequel elle a été rabaissée en permanence et utilisée comme objet sexuel, un mari colérique pour lequel elle n’a jamais eu de sentiment amoureux. À l’instar de leur mère, les trois enfants du couple sont qualifiés par Monsieur de « bons à rien » et considérés en fonction de leur utilité.
Mme U. a longtemps espéré parce que, déclare-t-elle, ils avaient « tout pour être heureux ». Mais elle n’est pas parvenue à le rendre heureux ni à se faire respecter, se faisant ainsi coupable des paroles et comportements de son mari. Le sentiment de culpabilité (du risque suicidaire de son mari, de l’échec de son couple, etc.) apparaît donc très rapidement comme ce qui divise Mme U. et ce qui l’a toujours poussé à supporter l’inacceptable.
Mme U. ne retournera pas vivre avec son mari et entame la procédure de divorce. Cependant elle ne vit pas encore comme elle le voudrait, elle continue de s’épuiser : « je me dis que je suis une bonne à rien – termes de son ex-mari – et ça, ça ne veut pas partir. J’ai toujours le sentiment de devoir rendre des comptes, avec lui il fallait que je prouve que j’étais utile, je me sens coupable. Le plus difficile c’est de se détacher de ces sentiments. Si je ne repense pas à ce qu’on se dit ici, je me dis que je suis peut-être nulle. » C’est en effet à partir de ce que nous échangeons en séance que Mme U. recouvre une certaine légitimité de son existence. Elle a besoin, dans cette période de transition où elle quitte une place et un rôle – aussi délétères soient-ils – de s’appuyer sur un tiers pour élaborer et adopter un position nouvelle.
Ce statut de femme inédit trouvera à se concrétiser dans la nouvelle relation qu’elle entretient. Auprès de ce récent partenaire, elle a le droit d’être « faible » et « inutile », elle est aimée comme elle est et pour ce qu’elle est, confie-t-elle. La question de l’utilité ne recouvre plus celle des sentiments. Lorsque je l’interroge sur la place qu’elle pense avoir auprès de son nouveau compagnon, Mme U répond : « quelqu’un d’unique ».
Mademoiselle B. vient sous conseil de son avocate suite au viol dont elle a été victime. Elle va investir le suivi de manière assidue pour tenter de traiter les effets somatiques et psychiques de l’évènement traumatique.
Le préalable dans le traitement a consisté à dégager le positionnement de cette patiente dans ce qui lui arrive. Aussi, nous avons pu mettre en évidence sa position d’objet à disposition de l’autre et des évènements, position qui rejoue celle du viol. En effet, Mademoiselle B. attend. Elle attend que les douleurs génitales cessent d’elles-mêmes. Elle attend de trouver un travail pour pouvoir déménager de l’appartement dans lequel se sont déroulés les évènements, pour pouvoir passer le permis également. Alors même qu’elle a besoin dudit permis pour pouvoir obtenir un travail…
Surtout, elle reste dans l’attente des rares appels et passages de son compagnon, dans l’attente de ses décisions à lui, de sorte que son unique partenaire lorsque je la rencontre est l’alcool.
L’orientation du travail avec cette patiente, en panne, va dès lors consister à soutenir ses efforts d’élaborations et de reprise d’initiative. Inviter Mademoiselle à adresser les douleurs somatiques conséquentes du viol à une instance spécialisée afin qu’elle puisse les traiter avec l’appui d’un autre fera partie des indications. Mais c’est la mise en évidence et le barrage quant à sa position d’être à la disposition de l’autre qui auront constitué l’essentiel de ce travail qui se ponctuera par sa décision de se séparer du compagnon. Acte qui lui-même produira des effets dans l’existence de Mademoiselle B : diminution des consommations d’alcool, réinscription dans le lien social, inscription à une formation professionnelle.
Madame Padacor vient nous rencontrer pour ce qu'elle nomme des difficultés avec son mari qu'elle « supporte », nous confie-t-elle, depuis 34 ans. Elle a subi de la part de celui-ci des violences physiques qui ont pris fin avec le départ des enfants du domicile parental. Pourtant, elle continue d'être « soumise », dit-elle.
C'est un événement précis qui la conduit à consulter après tant d'années de ce régime matrimonial : pour leur anniversaire de mariage, Monsieur lui a fait la surprise de les conduire dans un club échangiste. Mme Padacor parle d'un vécu douloureux dans une situation où elle s'est sentie coincée. Cet événement, qui fait effraction pour cette patiente, s'inscrit dans une suite de propositions de même type, ou encore dans des sous-vêtements offerts qui ne lui correspondent pas. Monsieur ne recourt à aucun forçage, mais la récurrence de ces faits la conduit à parler de harcèlement au plus près de son intimité.
Bien que Mme Padacor confie se sentir mieux en l’absence de son mari, la suite de ses propos nous indique qu'elle n’envisage aucunement une séparation. En effet, son mari est aussi celui qui lui permet d'avoir une reconnaissance et une assise sociales desquelles elle se soutient dans l'existence. Si le clinicien a le devoir de signaler une personne en danger et de faire barrage aux actes de violence, il n'a pas à se positionner à la place du sujet sur une décision aussi importante et conséquente que l’est celle du choix de partenaire. Bien plutôt, nous prenons acte de l'impossibilité pour elle, à ce jour, de quitter cet homme, et nous orientons le travail sur la possibilité de se positionner autrement avec ce partenaire.
Pour se faire, je me suis appuyée sur la question initiale de Mme Padacor : « A-t-il le droit de m'obliger ? » Le rappel des droits et devoirs de chacun, tant au sein du mariage que dans le code pénal, va lui permettre d'acquérir la légitimité qu'elle ne se reconnaissait pas à opposer un refus. Faire des concessions pour que son couple fonctionne, position initiale de Mme Padacor, certes, mais pas sans limites. C'est par ailleurs dans le repérage des occasions au cours desquelles son mari a entendu ses opinions ou ses refus, qu'elle pourra dégager un savoir-faire avec lui.
Ce suivi court, de trois séances, aura permis à cette patiente de se dire déterminée sur ces choses de l'intimité dont elle ne veut plus. Pour le reste, elle peut attendre, conclut-elle. Je prends acte et lui signifie la possibilité de reprendre ce travail à son initiative.
« Je me sens mieux, les consultations m’ont permis de clarifier les choses. Les doutes quant à mon départ sont partis. J’arrive à demander de l’aide, c’est difficile mais je le fais. Ça a commencé par les professionnels et maintenant je le fais avec famille, amis, voisins. J’ai l’impression d’avoir travaillé tous les sujets que je voulais. »
Témoignage d’une consultante qui a investi un suivi hebdomadaire pendant six mois.
Madame U. est orientée par l’assistante sociale qui l’a accompagnée dans ses démarches initiales pour quitter le domicile conjugal. C’est chose faite, Mme U. a un nouveau logement, la séparation est effective. Ce sont les discussions avec cette assistante sociale qui lui ont permis de rendre évidente sa démarche de quitter son mari. Mais ce dernier vient de faire une tentative de suicide, la faisant douter quant à son départ : « Si je ne pars pas, il ne meurt pas, c’est une responsabilité très lourde à prendre ».
Mme U. décrit un couple dans lequel elle a été rabaissée en permanence et utilisée comme objet sexuel, un mari colérique pour lequel elle n’a jamais eu de sentiment amoureux. À l’instar de leur mère, les trois enfants du couple sont qualifiés par Monsieur de « bons à rien » et considérés en fonction de leur utilité.
Mme U. a longtemps espéré parce que, déclare-t-elle, ils avaient « tout pour être heureux ». Mais elle n’est pas parvenue à le rendre heureux ni à se faire respecter, se faisant ainsi coupable des paroles et comportements de son mari. Le sentiment de culpabilité (du risque suicidaire de son mari, de l’échec de son couple, etc.) apparaît donc très rapidement comme ce qui divise Mme U. et ce qui l’a toujours poussé à supporter l’inacceptable.
Mme U. ne retournera pas vivre avec son mari et entame la procédure de divorce. Cependant elle ne vit pas encore comme elle le voudrait, elle continue de s’épuiser : « je me dis que je suis une bonne à rien – termes de son ex-mari – et ça, ça ne veut pas partir. J’ai toujours le sentiment de devoir rendre des comptes, avec lui il fallait que je prouve que j’étais utile, je me sens coupable. Le plus difficile c’est de se détacher de ces sentiments. Si je ne repense pas à ce qu’on se dit ici, je me dis que je suis peut-être nulle. » C’est en effet à partir de ce que nous échangeons en séance que Mme U. recouvre une certaine légitimité de son existence. Elle a besoin, dans cette période de transition où elle quitte une place et un rôle – aussi délétères soient-ils – de s’appuyer sur un tiers pour élaborer et adopter un position nouvelle.
Ce statut de femme inédit trouvera à se concrétiser dans la nouvelle relation qu’elle entretient. Auprès de ce récent partenaire, elle a le droit d’être « faible » et « inutile », elle est aimée comme elle est et pour ce qu’elle est, confie-t-elle. La question de l’utilité ne recouvre plus celle des sentiments. Lorsque je l’interroge sur la place qu’elle pense avoir auprès de son nouveau compagnon, Mme U répond : « quelqu’un d’unique ».
Mademoiselle B. vient sous conseil de son avocate suite au viol dont elle a été victime. Elle va investir le suivi de manière assidue pour tenter de traiter les effets somatiques et psychiques de l’évènement traumatique.
Le préalable dans le traitement a consisté à dégager le positionnement de cette patiente dans ce qui lui arrive. Aussi, nous avons pu mettre en évidence sa position d’objet à disposition de l’autre et des évènements, position qui rejoue celle du viol. En effet, Mademoiselle B. attend. Elle attend que les douleurs génitales cessent d’elles-mêmes. Elle attend de trouver un travail pour pouvoir déménager de l’appartement dans lequel se sont déroulés les évènements, pour pouvoir passer le permis également. Alors même qu’elle a besoin dudit permis pour pouvoir obtenir un travail…
Surtout, elle reste dans l’attente des rares appels et passages de son compagnon, dans l’attente de ses décisions à lui, de sorte que son unique partenaire lorsque je la rencontre est l’alcool.
L’orientation du travail avec cette patiente, en panne, va dès lors consister à soutenir ses efforts d’élaborations et de reprise d’initiative. Inviter Mademoiselle à adresser les douleurs somatiques conséquentes du viol à une instance spécialisée afin qu’elle puisse les traiter avec l’appui d’un autre fera partie des indications. Mais c’est la mise en évidence et le barrage quant à sa position d’être à la disposition de l’autre qui auront constitué l’essentiel de ce travail qui se ponctuera par sa décision de se séparer du compagnon. Acte qui lui-même produira des effets dans l’existence de Mademoiselle B : diminution des consommations d’alcool, réinscription dans le lien social, inscription à une formation professionnelle.
Madame Padacor vient nous rencontrer pour ce qu'elle nomme des difficultés avec son mari qu'elle « supporte », nous confie-t-elle, depuis 34 ans. Elle a subi de la part de celui-ci des violences physiques qui ont pris fin avec le départ des enfants du domicile parental. Pourtant, elle continue d'être « soumise », dit-elle.
C'est un événement précis qui la conduit à consulter après tant d'années de ce régime matrimonial : pour leur anniversaire de mariage, Monsieur lui a fait la surprise de les conduire dans un club échangiste. Mme Padacor parle d'un vécu douloureux dans une situation où elle s'est sentie coincée. Cet événement, qui fait effraction pour cette patiente, s'inscrit dans une suite de propositions de même type, ou encore dans des sous-vêtements offerts qui ne lui correspondent pas. Monsieur ne recourt à aucun forçage, mais la récurrence de ces faits la conduit à parler de harcèlement au plus près de son intimité.
Bien que Mme Padacor confie se sentir mieux en l’absence de son mari, la suite de ses propos nous indique qu'elle n’envisage aucunement une séparation. En effet, son mari est aussi celui qui lui permet d'avoir une reconnaissance et une assise sociales desquelles elle se soutient dans l'existence. Si le clinicien a le devoir de signaler une personne en danger et de faire barrage aux actes de violence, il n'a pas à se positionner à la place du sujet sur une décision aussi importante et conséquente que l’est celle du choix de partenaire. Bien plutôt, nous prenons acte de l'impossibilité pour elle, à ce jour, de quitter cet homme, et nous orientons le travail sur la possibilité de se positionner autrement avec ce partenaire.
Pour se faire, je me suis appuyée sur la question initiale de Mme Padacor : « A-t-il le droit de m'obliger ? » Le rappel des droits et devoirs de chacun, tant au sein du mariage que dans le code pénal, va lui permettre d'acquérir la légitimité qu'elle ne se reconnaissait pas à opposer un refus. Faire des concessions pour que son couple fonctionne, position initiale de Mme Padacor, certes, mais pas sans limites. C'est par ailleurs dans le repérage des occasions au cours desquelles son mari a entendu ses opinions ou ses refus, qu'elle pourra dégager un savoir-faire avec lui.
Ce suivi court, de trois séances, aura permis à cette patiente de se dire déterminée sur ces choses de l'intimité dont elle ne veut plus. Pour le reste, elle peut attendre, conclut-elle. Je prends acte et lui signifie la possibilité de reprendre ce travail à son initiative.